En 2005, le Dr Choi et ses collaborateurs du Centre de contrôle et de prévention des maladies chroniques du Canada, invoquent comme première cause de mortalité du 22ème siècle, un ensemble de maladies qu’ils décrivent comme des maladies du confort, et qui ont pour grandes causes l’obésité et la sédentarité [1]. Selon l’organisation mondiale de la santé, la sédentarité et l’obésité constituaient en 2008, les 4ème et 5ème facteurs de risques de mortalité, expliquant respectivement 6% (676 000) et 5% (337 000) des décès à l’échelle mondiale [2]. En reprenant les données recueillies par l’étude prospective européenne sur le cancer et la nutrition (EPIC), Ekelund et coll. (2015) tendent plus précisément à montrer que l’inactivité aurait un impact plus important sur la mortalité qu’un tour de taille ou un Indice de Masse Corporelle (IMC) élevés. Et aux auteurs d’ajouter que cette statistique serait d’autant plus prégnante que le niveau d’activité est faible [3]. Au-delà de valoriser l’activité physique, cette étude met avant tout en lumière un niveau de sédentarité alarmant dans de nombreux pays européens, faisant que la communauté scientifique s’évertue à montrer le simple bénéfice de la position debout en comparaison à la position assise sur la prévalence de maladies cardiovasculaires, du syndrome métabolique, ou encore du diabète de type 2 [4].
Corollaire de la sédentarité, l’obésité se présente alors comme une maladie de civilisation, que l’on entendra ici, comme le reflet paradoxal d’évolutions technologiques qui marquent les sociétés contemporaines et que l’on associe implicitement et par erreur, au progrès [5].
Le progrès reste en effet un concept relatif, dépendant du champ d’applications considéré ; à l’image de la robotique qui prédispose autant à d’engageantes perspectives médicales [6], qu’il ne renforce le niveau de sédentarité des populations [7]. Le sens de cette critique ne tend pas à remettre en question la légitimité de l’une ou de l’autre de ses avancées, puisque leurs interdépendances justifient leurs développements parallèles. L’enjeu repose plutôt sur un décalage rémanent entre les cibles à qui ces avancées se prédestinent, et les réelles exploitations qui en sont faites.
Le système alimentaire mondial révèle cette problématique, puisque la diminution du coût de production associée au développement des procédés de fabrications et des vecteurs de diffusions commerciaux, profitent plus rapidement et avec excès, à plus de 2 milliards de personnes, qu’elles ne bornent les épisodes de sous-alimentation et de malnutrition que subissent encore près d’un milliard de personnes en 2010 [7]. Ce décalage est tel que les excès précités conduisent par exemple aux Etats-Unis, à un gaspillage alimentaire équivalent à près de 1400 kcal par citoyen, par jour et par an [8]. Statistique d’autant plus frappante qu’il conviendrait d’y ajouter les calories superflues consommées, et qui expliquent la prévalence alarmante de l’obésité dans ce pays, touchant 34,9% de la population adulte et 31,8% des jeunes [9].
Dr Cyril GAUTHIER & Dr Ludovic ROCHETTE
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[1] B. C. K. Choi, D. J. Hunter, W. Tsou, and P. Sainsbury, “Diseases of comfort: primary cause of death in the 22nd century,” J. Epidemiol. Community Health, vol. 59, no. 12, pp. 1030–1034, Dec. 2005.
[2] “WHO | Global recommendations on physical activity for health,” WHO. [Online]. Available: http://www.who.int/dietphysicalactivity/publications/9789241599979/en/. [Accessed: 11-Aug-2015].
[3] U. Ekelund, H. A. Ward, T. Norat, J. Luan, A. M. May, E. Weiderpass, S. S. Sharp, K. Overvad, J. N. Østergaard, A. Tjønneland, N. F. Johnsen, S. Mesrine, A. Fournier, G. Fagherazzi, A. Trichopoulou, P. Lagiou, D. Trichopoulos, K. Li, R. Kaaks, P. Ferrari, I. Licaj, M. Jenab, M. Bergmann, H. Boeing, D. Palli, S. Sieri, S. Panico, R. Tumino, P. Vineis, P. H. Peeters, E. Monnikhof, H. B. Bueno-de-Mesquita, J. R. Quirós, A. Agudo, M.-J. Sánchez, J. M. Huerta, E. Ardanaz, L. Arriola, B. Hedblad, E. Wirfält, M. Sund, M. Johansson, T. J. Key, R. C. Travis, K.-T. Khaw, S. Brage, N. J. Wareham, and E. Riboli, “Physical activity and all-cause mortality across levels of overall and abdominal adiposity in European men and women: the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition Study (EPIC),” Am. J. Clin. Nutr., p. ajcn.100065, Mar. 2015.
[4] M. T. Hamilton, D. G. Hamilton, and T. W. Zderic, “Role of Low Energy Expenditure and Sitting in Obesity, Metabolic Syndrome, Type 2 Diabetes, and Cardiovascular Disease,” Diabetes, vol. 56, no. 11, pp. 2655–2667, Nov. 2007.
[5] W. Kuryłowicz and J. Kopczyński, “Diseases of civilization, today and tomorrow,” MIRCEN J. Appl. Microbiol. Biotechnol., vol. 2, no. 2, pp. 253–265, Jun. 1986.
[6] D. B. Camarillo, T. M. Krummel, and J. K. Salisbury, “Robotic technology in surgery: past, present, and future,” Am. J. Surg., vol. 188, no. 4A Suppl, p. 2S–15S, Oct. 2004.
[7] B. A. Swinburn, G. Sacks, K. D. Hall, K. McPherson, D. T. Finegood, M. L. Moodie, and S. L. Gortmaker, “The global obesity pandemic: shaped by global drivers and local environments,” Lancet Lond. Engl., vol. 378, no. 9793, pp. 804–814, Aug. 2011.
[8] K. D. Hall, J. Guo, M. Dore, and C. C. Chow, “The progressive increase of food waste in America and its environmental impact,” PloS One, vol. 4, no. 11, p. e7940, 2009.
[9] C. L. Ogden, M. D. Carroll, B. K. Kit, and K. M. Flegal, “Prevalence of childhood and adult obesity in the United States, 2011-2012,” JAMA, vol. 311, no. 8, pp. 806–814, Feb. 2014.