Le marché de l’obésité surfe actuellement sur la vague diététique et nutritionnelle très lucrative du « bon » et du « mauvais » ; de laquelle émerge de nombreux débats existentiels sur l’efficacité de tel ou tel régime souvent associé à un aliment ou un nutriment « miracle ». N’en déplaise, l’efficacité d’un régime reste relative.
Relative d’une part à la durée d’évaluation dont le régime a fait l’objet ; faisant que des résultats à 6 mois exposeront les bienfaits d’un régime sur un autre, qu’une analyse à 1 an ou 2 ans réfuteront, caractérisant même ce régime de contre-biologique, qui déconditionne la physiologie métabolique tout comme la neurophysiologie propre au contrôle de la prise alimentaire [1]–[3].
L’efficacité d’un régime est d’autre part relative à l’intégrité biologique de la personne qui le suit [4] ; et qui confère un réel non sens à cette quête effrénée du bon ou du mauvais. Recherche instigatrice de fables nutritionnelles qui n’ont que pour seule objectivité les gains financiers que leurs pères s’octroient sur le compte d’une littérature scientifique souvent très confuse à cet égard. A l’image par exemple, des débats focalisés sur les risques de survenues des maladies cardiovasculaires imputables à la consommation de graisses saturées. Débats qui placent les défenseurs du lien de causalité, dans une impasse au regard de résultats d’études invoquant par exemple le « french paradoxe », c’est-à-dire une prévalence de maladie cardiovasculaire plus faible en France comparativement à d’autres pays européens, en dépit d’une consommation moyenne de graisse saturées plus importantes [5], [6], [7].
Dans la même mesure, subsistent de vifs débats sur l’attention que l’on doit porter sur l’index ou la charge glycémique des aliments. Controverses inhérentes au fait que la réponse glycémique induite par l’ingestion d’un aliment présente une très grande variabilité inter-individuelle, dépendante notamment du taux de vidange gastrique, lui-même sensible au mode de cuisson, au conditionnement et déconditionnement des aliments, à l’ensemble du bol alimentaire, au taux de masse maigre, ainsi qu’au niveau d’activité physique journalier [8].
Si la consommation de sodas sucrés se présente comme un facteur de risque majeur d’obésité, il convient de rapporter ce risque en premier lieu, à un apport excessif de calories sous forme liquide, avant d’invoquer leur index glycémique. En ce sens, il peut être citée l’étude clinique comparative conduite par Juanola-Falgarona et coll. (2014), opposant des régimes à faible et à haut index glycémique. Les auteurs n’ont en effet observé aucune différence significative entre ces régimes à 6 mois, sur la masse corporelle ainsi que sur le métabolisme insulinique, les paramètres inflammatoires, la satiété, ou encore la faim [9]. Associer de manière systématique, la qualité d’un produit à son index glycémique paraît ainsi très réducteur ; d’autant plus que cela tend à occulter l’intérêt micronutrionnel que peuvent présenter certains aliments (i.e. fruits frais, fruits séchés, légumes frais, miel, etc…). Bhupathiraju et coll. (2014) ont par exemple analysé au sein de 3 cohortes de citoyens américains, l’impact de différentes alimentations à index et à charge glycémique élevés sur la prévalence du diabète de type 2 [10]. Si les auteurs montrent que pour une pathologie affectant le métabolisme insulinique, une alimentation à faible indice ou charge glycémique présente un bénéfice, leurs résultats mettent également en avant que ce bénéfice est relatif au contenu en fibres du bol alimentaire. Le risque de survenu du diabète apparaît ainsi plus faible lorsqu’un régime à haut index ou charge glycémique est associé une consommation importante de fibres, que lorsqu’un régime à faible index ou charge glycémique est associé à une faible consommation de fibres [10].
L’objet de cette critique n’est certainement pas de rejeter l’intérêt que peut présenter une stratégie nutritionnelle orientée sur l’éviction ou la diminution de certains aliments au profit d’autres, il s’agit plutôt de contextualiser leur bénéfice au regard d’une pathologie systémique comme l’obésité. Comprendre notamment que ces stratégies nutritionnelles se rapportent plus directement aux comorbidités qu’à la pathologie dont elles émanent. Traiter les comorbidités permet assurément d’accompagner le patient dans son projet de soin, soulageant son quotidien, sans pour autant répondre au « mal » originel. En contre partie, adjoindre une valeur qualitative souvent « mauvaise », aux aliments que les patients aiment consommer, constitue un réel écueil. Ecueil tenant au fait que le spectre de l’obésité est conditionné par ce qui est défini comme « les préférences alimentaires », intégrant un ensemble de facteurs, sensoriel, génétique, social, culturel, et économique. Un étude statistique conduite aux Etats-Unis a ainsi révélé que l’étiquetage alimentaire présentant les aliments comme « bon » ou « mauvais », pouvait causer l’abandon de tout effort vers une alimentation plus saine et équilibrée ; faisant que en 2011, 82% des citoyens adultes de ce pays n’étaient pas disposer à abandonner l’alimentation qu’ils aimaient au profit d’une meilleure santé [7]. En reprenant les propos du médecin suisse Paracelse « toutes les choses sont poisons, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison », il apparaît clairement qu’en diététique, seule la modération et la proportionnalité puissent s’accorder à l’obésité.
Dr Cyril GAUTHIER & Dr Ludovic ROCHETTE
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[1] R. E. Keesey and T. L. Powley, “Body energy homeostasis,” Appetite, vol. 51, no. 3, pp. 442–445, Nov. 2008.
[2] P. R. Payne and A. E. Dugdale, “MECHANISMS FOR THE CONTROL OF BODY-WEIGHT,” The Lancet, vol. 309, no. 8011, pp. 583–586, Mar. 1977.
[3] P. D. Cani and N. M. Delzenne, “The Role of the Gut Microbiota in Energy Metabolism and Metabolic Disease,” Curr. Pharm. Des., vol. 15, no. 13, pp. 1546–1558, May 2009.
[4] C. D. Gardner, “Tailoring dietary approaches for weight loss,” Int. J. Obes. Suppl., vol. 2, no. S1, pp. S11–S15, Jul. 2012.
[5] S. L. Connor, J. R. Gustafson, S. M. Artaud-Wild, D. P. Flavell, C. J. Classick-Kohn, L. F. Hatcher, and W. E. Connor, “The cholesterol/saturated-fat index: an indication of the hypercholesterolaemic and atherogenic potential of food.,” Lancet Lond. Engl., vol. 1, no. 8492, pp. 1229–1232, May 1986.
[6] A. nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail ANSES, “Etude Individuelle Nationale sur les Consommations Alimentaires 2006-2007,” 2009.
[7] J. H. Freeland-Graves and S. Nitzke, “Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Total Diet Approach to Healthy Eating,” J. Acad. Nutr. Diet., vol. 113, no. 2, pp. 307–317, Feb. 2013.
[8] A. Raben, “Glycemic index and metabolic risks: how strong is the evidence?,” Am. J. Clin. Nutr., vol. 100, no. 1, pp. 1–3, Jul. 2014.
[9] M. Juanola-Falgarona, J. Salas-Salvadó, N. Ibarrola-Jurado, A. Rabassa-Soler, A. Díaz-López, M. Guasch-Ferré, P. Hernández-Alonso, R. Balanza, and M. Bulló, “Effect of the glycemic index of the diet on weight loss, modulation of satiety, inflammation, and other metabolic risk factors: a randomized controlled trial,” Am. J. Clin. Nutr., vol. 100, no. 1, pp. 27–35, Jul. 2014.
[10] S. N. Bhupathiraju, D. K. Tobias, V. S. Malik, A. Pan, A. Hruby, J. E. Manson, W. C. Willett, and F. B. Hu, “Glycemic index, glycemic load, and risk of type 2 diabetes: results from 3 large US cohorts and an updated meta-analysis,” Am. J. Clin. Nutr., vol. 100, no. 1, pp. 218–232, Jul. 2014.