Souvent réduite à un chiffre, un Indice de Masse Corporelle ou un taux de masse grasse, l’obésité se juge comme un déséquilibre entre deux composantes métaboliques : les apports alimentaires d’une part, et les dépenses énergétiques d’autre part. En ressort alors de multiples stratégies compensatrices autrement définies comme des « régimes » ou des « activités physiques de remise forme », ciblant l’une ou l’autre de ces composantes. Présenter ces stratégies comme « compensatrices » permet d’insister sur leur caractère superficiel, ne traitant que le symptôme d’une maladie qui se définie pourtant et avec exhaustivité, comme « une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé » [1]. Et, comprendre la « santé » comme « un état de bien être physique, mental, et social complet, et non pas comme la simple absence de maladie ou d’infirmité », permet de saisir l’envergure de cette maladie [2]. Traiter l’obésité implique ainsi l’identification et la considération de facteurs provoquant ce déséquilibre métabolique, à l’image de nombreux plans de santé nationaux qui s’intéressent autant au réseau de maladies dans lequel s’inscrit l’obésité, qu’au modèle économique de l’industrie agro-alimentaire, qu’au politique éducatives en nutrition, ainsi qu’à l’évolution de normes et de préceptes sociaux [3]–[6]. Bien que ces problèmes soient clairement identifiés et qu’ils recèlent un enjeu sociétal (i.e. économique et politique), comparable à un plan de lutte contre le tabagisme ; tout mouvement de prévention contre l’obésité se confronte à la difficulté que la nourriture, à la différence du tabac, est nécessaire à la vie [7]. Particularité qui impose aux instigateurs de ces mouvements, de nuancer les mesures qu’ils peuvent proposer, étant notamment exposés au risque de stigmatiser les personnes victimes de cette maladie.
L’aboutissement de cette réflexion est sans équivoque possible : l’obésité est relative, relative à la singularité de la personne qui en souffre, nuançant fortement l’intérêt de rechercher des solutions et des critères de suivis cliniques uniques et transversaux. Sans fatalisme ni connotations subversives, ce constat relate avant tout une situation de complaisance générale qu’il convient d’admettre s’il on veut la juguler. Lorsque Linqvist, évoque dans un tout autre domaine éthique et moral que « ce qui nous manque, c’est le courage de comprendre ce que nous savons et d’en tirer les conséquences » ; l’auteur porte à notre conscience que l’une des difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on se confronte à un problème repose autant sur la recherche de solutions nouvelles, que sur l’acceptation de solutions préexistantes. Solutions rejetées ou ignorées à l’échelle de la personne, lorsqu’elles sont consciemment ou inconsciemment ressenties comme une injustice au regard des contraintes qu’elles impliquent. Solutions évincées, lorsqu’à une échelle sociale économique et politique, elles desservent d’autres intérêts que ceux portant sur la santé et la qualité de vie.
Donner du sens à l’histoire d’un poids, à l’histoire du poids de chaque patient, constitue dès lors le point d’entrée au traitement de fond de cette maladie. Un fond qui façonne la forme, ou plutôt les formes, c’est-à-dire les symptômes ou les comorbidités de cette maladie, et que Hall et coll. (2011) décrivent comme « les adaptations physiologiques dynamiques consécutives à une variation pondérale, qui affectent le métabolisme énergétique de repos ainsi que le coût énergétique des activités physiques » [8].
Qu’ils se formalisent par une prise de xénobiotiques, le suivi d’un régime, une intervention chirurgicale, ou un abonnement dans une salle de remise en forme ; ces traitements ne portent que sur les altérations physiologiques plurielles induites par une maladie originelle complexe. Une maladie dont la thérapie se confronte immanquablement « aux dernières frontières des sciences biologiques […] ; celles qui portent sur les fondements de la conscience et des processus mentaux par lesquels on perçoit, agit, apprend, et se souvient » [9] ; celles qui font que l’alimentation marque nos vies, par les émotions qu’elle invoque (humeur, affects), et les sensations qu’elle dégage (désir, plaisir).
A l’instar des controverses précitées, les différents chapitres de cet article sont consacrés aux nombreuses ambigüités et préjugés attenantes à l’étiologie de l’obésité. L’objectif étant de dégager un discours thérapeutique cohérent et applicable à une prise en charge clinique adaptée à cette forme de pathologie. Nécessairement globale et systémique, la démarche de soin est contrainte par l’impossibilité de systématiser ou de standardiser un traitement. En ressort la nécessité de s’orienter sur une approche éducative ; présentant l’éducation thérapeutique comme une réponse adaptée à cette problématique. Une telle perspective a pu être mise en œuvre au sein de la clinique du chalonnais et vous est présenté sur son site internet.
Dr Cyril GAUTHIER & Dr Ludovic ROCHETTE
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[1] “WHO | Obesity and overweight,” WHO. [Online]. Available: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs311/en/. [Accessed: 11-Aug-2015].
[2] O. M. de la santé Conférence internationale sur la Santé, “‘Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé.’ 1946.,” 1946.
[3] “WHO | Global recommendations on physical activity for health,” WHO. [Online]. Available: http://www.who.int/dietphysicalactivity/publications/9789241599979/en/. [Accessed: 11-Aug-2015].
[4] “WHO | Assessing national capacity for the prevention and control of NCDs: report of the 2010 global survey,” WHO. [Online]. Available: http://www.who.int/chp/knowledge/national_prevention_ncds/en/. [Accessed: 11-Aug-2015].
[5] C. Hawkes, J. Jewell, and K. Allen, “A food policy package for healthy diets and the prevention of obesity and diet-related non-communicable diseases: the NOURISHING framework,” Obes. Rev., vol. 14, pp. 159–168, Nov. 2013.
[6] C. A. Roberto, B. Swinburn, C. Hawkes, T. T.-K. Huang, S. A. Costa, M. Ashe, L. Zwicker, J. H. Cawley, and K. D. Brownell, “Patchy progress on obesity prevention: emerging examples, entrenched barriers, and new thinking,” The Lancet, vol. 385, no. 9985, pp. 2400–2409, Jun. 2015.
[7] T. T.-K. Huang, J. H. Cawley, M. Ashe, S. A. Costa, L. M. Frerichs, L. Zwicker, J. A. Rivera, D. Levy, R. A. Hammond, E. V. Lambert, and S. K. Kumanyika, “Mobilisation of public support for policy actions to prevent obesity,” The Lancet, vol. 385, no. 9985, pp. 2422–2431, Jun. 2015.
[8] K. D. Hall, G. Sacks, D. Chandramohan, C. C. Chow, Y. C. Wang, S. L. Gortmaker, and B. A. Swinburn, “Quantification of the effect of energy imbalance on bodyweight,” Lancet, vol. 378, no. 9793, pp. 826–837, Aug. 2011.
[9] E. Kandel, J. Schwartz, and T. Jessell, Principles of Neural Science, 4 edition. New York: McGraw-Hill Medical, 2000.