Résumer le patient à un chiffre sur la balance est une erreur dans la prise en charge.
Définir l’obésité n’est pas chose simple contrairement à de nombreuses idées reçues. Classiquement, lorsque nous évoquons le terme « obésité », la première référence qui nous vient à l’esprit est le surpoids accompagné de nombreuses connotations négatives. La réalité est bien différente, et se baser sur le seul critère du poids est une erreur.
A l’heure actuelle, l’indice de masse corporelle (IMC) ou indice de Quételet est la seule approche quantitative de l’obésité. L’IMC se calcule avec le poids (en kg) divisé par la taille (en mètre) au carré. Poids/ (taille x taille). Ainsi, nous obtenons un chiffre qui nous permet de classer les patients par grade de sévérité. L’obésité est donc définie par un IMC ≥ 30. Cet indice bien qu’utile de manière épidémiologique est maintenant en cours de réflexion par la communauté scientifique car il :
– ne semble pas être le véritable reflet de l’excès de masse grasse d’un individu ;
– ne tient pas compte de la répartition du tissu adipeux (androïde ou gynoïde) ;
– ne tient pas compte du retentissement physique et psychique de l’obésité, donc du handicap.
La réalité est bien plus complexe, les scientifiques et spécialistes en nutrition n’hésitent plus à définir l’obésité comme une maladie chronique complexe du tissu adipeux. En effet, le tissu adipeux se modifie au cours du temps par différents mécanismes: hypertrophie adypocytaire, hyperplasie adipocytaire, fibrose et inflammation. Des mécanismes complexes participent malheureusement à la résistance que le corps peut avoir avec le temps vis-à-vis de la perte de poids.

Il est important de comprendre comment fonctionne notre organisme pour éviter les erreurs classiques des « vendeurs d’illusion » qui ne permettent que l’amaigrissement du « porte monnaie » sans se poser la question du fonctionnement global du métabolisme et des mécanismes qui conduisent à souffrir d’obésité. Au final ces régimes « farfelus » basés sur des absences scientifiques ne font qu’altérer l’estime des patients souffrant d’obésité en étant à l’origine du « yoyo ascendant ». Pire… ils favorisent des résistances métaboliques sévères qui mettent en échecs les patients sur le long terme.

Viser uniquement la perte pondérale n’est pas pertinent sur le long terme.
L’obésité se définit en effet comme « une accumulation excessive de graisse dans l’organisme qui présente des inconvénients pour la santé ». Concise et précise, cette définition repose alors sur deux notions fondamentales qu’il convient ici de développer. La première porte ainsi sur l’évocation des termes de « masse grasse » et non de « poids » ; et la seconde sur les « inconvénients » imputables à l’obésité, mot qui a toute son importance car il ne s’agit pas uniquement d’évoquer les complications médicales mais aussi l’altération de la qualité de vie et les souffrances que le dysmorphisme associé à l’obésité peut induire.
L’obésité comme excès de masse grasse et non comme excès de poids
Mesurer la masse grasse n’est pas chose facile tout comme définir un excès de masse grasse. Un très bon critère reste le périmètre abdominal. En effet, la répartition de cette masse grasse est un élément capital. Si l’excès est gynoïde (hanche) alors cela a peu d’impact sur le risque de complications et donc sur la morbi-mortalité. En revanche, si l’excès est abdominal ou androïde cela aura un impact certain sur les nombreuses complications qui découlent de l’obésité. Lorsque nous évoquons la graisse, nous pensons logiquement à la graisse sous-cutanée mais celle qui préoccupe les médecins est la graisse viscérale (tissus adipeux ectopiques). Cette graisse qui se loge autour de nos organes est responsable d’un grand nombre de complications : infarctus, insulinorésistance, diabète de type 2, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, insuffisance cardiaque, stéatose hépatique… Cette graisse viscérale est liée à la répartition androïde et donc au périmètre abdominal. Perdre des centimètres de tour de taille est donc beaucoup plus pertinent que perdre du poids d’un point de vue médical.
L’obésité et ses risques pour la santé
Comprendre la santé comme « un état de bien-être physique mental et social complet, et non pas comme la simple absence de maladie ou d’infirmité », permet de prendre conscience des réelles répercussions que peut induire l’obésité. Cette pathologie se présente alors comme une maladie chronique, c’est-à-dire comme « une affection de longue durée qui en règle générale, évolue lentement » ; tout comme une maladie de civilisation pour laquelle un lien de causalité évident peut s’établir avec le développement technologique, économique et social de nos sociétés contemporaines. L’obésité fait ainsi le régal des corrélations statistiques ; décrivant une personne obèse comme une personne i) pauvre, ii) vivant dans des pays riches, iii) au faible niveau d’instruction, iv) regardant la télévision, v) au sommeil perturbé , vi) souffrant de dépression , vii) ou « d’excès de plaisir », viii) présentant des dérèglements hormonaux, ix) génétiques, etc…
De cela ne doit pas ressortir une critique, mais plutôt l’intérêt toujours plus important qu’elle suscite ; reflet de sa prévalence grandissante et de tous les maux qu’on peut lui associer et notamment de nombreuses comorbidités (Diabètes, Apnée du sommeil, Hypercholestérolémie, Hypertension Artérielle, Arthrose,…). Bien que pour le confort de vie du patient, il reste nécessaire et pertinent de traiter les comorbidités de l’obésité, ces dysfonctions homéostasiques ne doivent pas être considérées comme des causes, mais bien comme des conséquences d’une maladie que l’on développe avant tout par un changement de nos comportements et de nos habitudes alimentaires, et plus généralement de nos habitudes de vie. La prégnance de ces changements est d’autant plus importante qu’elle revêt un caractère trans-générationnel, faisant que la propension à l’obésité continue à se développer de descendance en descendance, sans évolution notable du régime alimentaire.
En cela, l’attention que l’on doit porter à l’obésité dans un cadre thérapeutique ne peut reposer que sur une approche systémique.
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Dr Cyril GAUTHIER