Les conséquences de l’obésité sur notre santé sont multiples. L’objectif de ce chapitre n’est pas de créer une angoisse chez le patient mais de débuter une prise de conscience sur un point important : prendre en charge l’obésité = diminuer les complications médicales de la maladie. D’autre part quand nous évoquons les « conséquences » il ne suffit pas de résumer ce terme aux complications médicales qui sont réelles mais pas exclusives. L’altération de la qualité de vie est à mon sens une conséquence bien réelle de la maladie sans qu’elle soit une complication médicale.
La qualité de vie
L’altération s’effectue au niveau de plusieurs dimensions :
- La dimension physique : avoir des douleurs chroniques, se sentir diminué, avoir des difficultés à se chausser, être essoufflé en montant les escaliers, ne pas pouvoir s’amuser avec ses enfants ou petits-enfants…
- La dimension psychique : se sentir « moins bon » que les autres car nous ne sommes pas parvenus à ne pas être obèse, être en échec avec les régimes qui sont sensés fonctionnéer d’après leurs « illustres auteurs ». Voilà bien des éléments qui contribuent à une baisse régulière de l’estime de soi…
- La dimension sociale : cette société, qui favorise l’obésité par le mode de vie engendré et le modèle de société de consommation, n’est pas des plus justes avec l’obésité et en particulier les patients. Il suffit de s’attarder un moment sur nos infrastructures : sièges de transports en commun, salle de cinéma, brancards d’ambulance, taille des IRM ou scanner… La liste est malheureusement longue et prouve sans difficulté que notre société pourvoyeuse de surpoids et d’obésité n’a pas su et pu s’adapter à sa population. Sans compter sur la pression sociale de plus en plus importante vis-à-vis des personnes souffrant d’obésité avec un idéal minceur « bienêtre » toujours en avant.
Les complications médicales
Elles sont nombreuses et en faire une liste exhaustive complète ne me semble pas très pertinent. « Surfer » sur la peur des patients ne va pas dans le sens de l’éducation thérapeutique car entraine des résistances et accentue le phénomène « maigrir vite pour se protéger de ces complications sans forcément maigrir bien ».
Le diabète de type 2 et l’insulinorésistance
Tous les patients obèses ne sont pas diabétiques ou insulinorésistants. Bien que l’insulinorésitance augmente avec la sévérité de la maladie, elle est essentiellement la résultante d’un excès de masse grasse abdominale (répartition androïde).
La prise en charge de l’obésité visant à réduire le périmètre abdominal (un des meilleurs reflets du risque métabolique) améliore significativement l’équilibre glycémique des patients. En effet, une des conséquences de l’obésité androïde est de limiter l’efficacité de l’insuline. Précisons que cette hormone sécrétée par le pancréas a pour fonction de permettre une utilisation cellulaire du glucose comme « carburant ». La conséquence est logiquement une diminution de la glycémie (taux de sucre sanguin) mais la fonction de l’insuline n’est pas cette baisse de glucose qui n’est en fait que la résultante de l’utilisation du sucre par nos cellules. Plus ces dernières utilisent le glucose sanguin moins il est présent dans notre circulation sanguine.
Si par le biais de la répartition androïde, l’insuline est moins efficace (insulinorésistance), le sucre risque d’augmenter dans notre circulation et le diabète peut apparaitre. Notre organisme et le pancréas en particulier, s’aperçoit de cette « moins bonne efficacité » de l’insuline, il va donc logiquement augmenter la sécrétion d’insuline (hyperinsulinémie). De façon imagée : on augmente la taux d’une hormone, ici l’insuline, car elle fonctionne moins bien. Cette hyperinsulinémie permet de maintenir un fonctionnement métabolique sans diabète pendant plusieurs années.
Le patient n’est pas diabétique mais insulinorésistant ; la glycémie de la prise de sang reste normale au prix d’une hypersécrétion pancréatique qui n’est pas sans conséquence pour notre organisme. En effet l’insuline et une hormone aux multiples fonctions et en avoir en excès peut engendrer des conséquences : stéatose hépatique, hypertension artérielle, stockage des graisses, augmentation de la sécrétion d’IGF1…
D’autre part, le pancréas sécrétant un surplus d’insuline va progressivement s’épuiser, cette hyperinsulinémie va diminuer et c’est à ce moment qu’apparait le diabète de type 2. Une insuline moins performante + baisse de l’hypersécrétion par épuisement pancréatique = moins bonne utilisation cellulaire du glucose = glucose reste dans la circulation sanguine = augmentation de la glycémie = hyperglycémie modérer à jeun ou intolérance au glucose puis diabète de type 2.
Il est important de comprendre que le diagnostic de diabète est bien codifié et se fait sur une glycémie à jeun élevée mais que la maladie qui est en réalité l’insulinorésistance était présente depuis plusieurs années et le témoin d’une obésité androïde.
Les conséquences respiratoires
L’essoufflement à l’effort est la première conséquence respiratoire ressentie par les patients.
L’apnée du sommeil est une des complications les plus fréquentes (environ 60% des patients souffrant d’obésité). Elle se définit par une obstruction plus ou moins complète de l’arbre respiratoire durant le sommeil ayant pour conséquence des hypopnées et/ou apnées. Elle se manifeste par des ronflements, une fatigue importante, une somnolence diurne, des céphalées (maux de tête) au réveil, des mictions nocturnes, une impression de ne pas avoir un sommeil reposant… Le dépistage se réalise par l’intermédiaire du score d’Epworth qui avec des questions simples permet de juger de la pertinance d’effectuer un dépistage par polygraphie nocturne (examen réalisé avec l’interprétation du pneumologue qui objectivera la présence ou absence du syndrome d’apnée du sommeil). Si ce dernier est présent, il nécessitera soit une surveillance, soit un appareillage par pression positive continue. L’apnée répond très bien à la perte de poids si cette dernière est réalisée dans de bonnes conditions.
Score d’Epworth :
D’autres complications respiratoires sont possibles : l’asthme et/ou l’hypoventilation alvéolaire ; l’hypertension artérielle pulmonaire.
Les conséquences cardio-vasculaires
En premier lieu, l’hypertension artérielle (HTA) qui touche jusqu’à 40% des patients. Les mécanismes qui conduisent à l’HTA sont multiples et complexes et comme bien souvent liés à une obésité androïde (abdominale). L’insulinorésistance a un impact certain sur l’apparition de l’HTA tout comme l’inflammation du tissu adipeux.
Comme autres complications cardio-vasculaire nous pouvons citer la cardiopathie ischémique favorisée par l’HTA, l’hypercholestérolémie, l’apnée du sommeil, le diabète de type 2 eux même étant la résultante d’un excès de masse grasse abdominale et donc viscérale. L’accumulation de graisse viscérale au niveau de l’épicarde (tissu adipeux ectopique autour du muscle cardiaque) est également, et indépendamment des autres facteurs de risques cardio-vasculaires, directement impliqué dans l’ischémie cardiaque par le biais d’une inflammation des coronaires.
Les conséquences ostéo-articulaires
Elles sont évidemment nombreuses, touchent essentiellement les articulations portantes comme les genoux. Les causes sont premièrement simples et mécaniques. La pression exercée sur nos genoux correspond à 5 fois le poids du corps. Il est donc logique que l’articulation portante qu’est le genou sera particulièrement touchée par un excès de poids. De plus les déformations des membres inférieurs modifient l’impact de cette pression en l’accentuant parfois sur la partie interne (ou externe) de nos genoux. Sans oublier le rôle que peut avoir l’inflammation du tissu adipeux et les sécrétions d’adipokines (hormones du tissu adipeux) sur la genèse de l’arthrose. La gonarthrose (arthrose des genoux) fait donc souffrir un grand nombre de patients, altérant grandement la qualité de vie par diminution des capacités physiques associées à des douleurs chroniques. Parfois, la seule thérapeutique possible est une prothèse totale de genou ce qui n’est pas sans poser de problèmes chez le patient souffrant d’obésité.
Les autres complications ostéo-articulaires sont : aponévrosite plantaire ou épine calcanéenne, lombo-dorsalgies, tendinites, ostéonécrose aseptique, épiphysiolyse fémorale (boiterie de l’enfant ou adolescent obèse), goutte et hyperuricémie…
Les conséquences gynécologiques
L’hypofertilité féminine dont les causes sont multiples, peut être en partie liée au syndrome des ovaires polykystiques lui-même secondaire à l’insulinorésistance, donc en lien avec l’obésité androïde (abdominale).
L’obésité est souvent associée à des perturbations des cycles menstruels (30 à 47% des femmes en surpoids ou obèses ont des cycles irréguliers).
Les conséquences urologiques et rénales
Les études retrouvent une corrélation forte entre obésité et incontinence urinaire, cette corrélation semble proportionelle au stade de l’obésité. Le risque relatif est de 1,7 si obésité grade 1 (IMC>30), 2 si grade 2 (IMC>35), 2,4 si grade 3 (IMC>40). Les signes sont : pollakiurie (survenue de mictions fréquentes supérieures à 8/24h et de faible volume) ; urgenturie (besoin brutal, urgent et irrépressible d’uriner sans possibilité de l’inhiber) ; dysurie (difficulté à initier ou nécessité de pousser pour uriner et allongement de la durée de miction, parfois associée à des gouttes retardataires et à une sensation de vidange incomplète).
Les pathologies lithiasiques (colique néphrétique) sont également plus fréquentes chez le patient obèse. ceci est en partie du à l’augmentation de l’excrétion urinaire de métabolites (calcium, urate de sodium, oxalate de calcium) associée à une augmentation de l’osmolarité urinaire.
L’obésité est également clairement identifiée comme facteur de risque de cancer de prostate et de cancer du rein.
Les conséquences psychiatriques
Elles sont nombreuses, variées et probablement sous-estimées.
L’altération manifeste de la qualité de vie associée à une certaine discrimination peut faire le nid d’un syndrome dépressif. Effectivement, certaines études montrent que chez les femmes en particulier le surpoids ou l’obésité augmentent significativement la dépression.
Le mésestime de soit est également un élément important. En effet se sentir différent des autres, en dehors de la normalité sociale, stigmatisé, a un impact bien souvent majeur sur l’estime que l’on peut avoir de nous même. D’autant plus que certains « vendeurs de miracles » n’hésitent à vous promettre des pertes de poids irréelles. L’échec ou la reprise pondérale secondaires à ses régimes business mettent la personne obèse dans une situation difficile. Elle se remettra en cause sans avoir conscience que c’est ce régime qui engendre l’échec. Pour cette personne, si il y a échec c’est forcément de sa faute.
Il est aussi fréquemment constaté un trouble de l’image corporelle. En effet le corps d’une personne souffrant d’obésité peut être responsable d’une altération de l’image que cette personne peut en avoir. Le regard que nous portons sur notre propre corps est bien souvent plus dur que le regard des autres.
Les complications veineuses et lymphatiques
Insuffisance veineuse : l’augmentation du volume de l’abdomen est responsable mécaniquement d’une diminution du retour veineux. Ce dernier est également perturbé par l’altération de la pompe musculaire du mollet par l’augmentation du volume adipeux. Les signes sont variables : simple gène, œdème de la cheville à l’orthostatisme (debout), impatiences, crampes, paresthésies (sensation de fourmillement), prurit, varices, dermite ocre … La prise en charge doit être la plus précoce possible et repose sur 2 éléments : contention mécanique et marche afin d’améliorer l’efficacité de la pompe du mollet (par conséquent le retour veineux).
Maladie thrombo-embolique : l’obésité est un risque de phlébite et d’embolie pulmonaire avec un risque de 2.4 si l’IMC est supérieur à 30. Un état d’hypercoagulabilité accompagne l’obésité par l’activation de facteurs de coagulation (facteur tissulaire, VII , VIII, Willebrand, fibrinogène) et diminution de facteurs fibrinolytiques (PAI 1).
Lipœdème : accumulation anormale du tissus adipeux du bassin aux chevilles qui touche essentiellement les femmes, débute à la puberté.
Lymphœdème : dysfonctionnement du système lymphatique responsable d’une stase de la lymphe au niveau des membres inférieurs. Le risque est essentiellement de développer un érysipèle (infection cutanée grave). Le traitement du lymphœdème repose essentiellement sur la prévention et la contention mécanique.
Les complications néoplasiques
La relation entre adiposité en excès et néoplasie est rendu très complexe par les nombreux facteurs qui interviennent dans la genèse d’un maladie cancéreuse (délais de survenue, épidémiologie, environnement, comportement, génétiques…).
Les données disponibles et le Fond Mondial de Recherche contre le Cancer (FMRC) ont concluent qu’il existe des preuves convaincantes de l’association entre l’excès de poids et : adénocarcinome de l’œsophage, cancer du pancréas, du côlon et rectum, du sein, de l’utérus, de l’endomètre, du foie, de la vésicule biliaire et possiblement d’autres cancers. Il est clair que l’obésité est un faible facteur de risque par comparaison au tabac et à l’alcool.
Les mécanismes de ce lien entre obésité et cancer sont très complexes et pas encore complètement élucidés : insulino-résistance, augmentation IGF-1, augmentation des œstrogènes, certaines actions des adipokines (hormones du tissus adipeux), stress oxydatif, stéatose hépatique, reflux gastro-œsophagien, hypoxie …
En conclusion, et même si cette longue liste n’est pas exhaustive, il apparait clairement que la maladie obésité et particulièrement la répartition androïde de l’excès de masse est responsable de nombreuses comorbidités. Prendre en charge directement ces complications est une excellente chose mais il serait aussi très pertinent de considérer que traiter l’obésité de façon adéquate permet de nettement réduire ces complications voire pour certaines de les mettre en rémission. Il est aussi intéressant de considérer le rôle important de prévention d’apparition de ces complications par la prise en charge optimale de l’excès de masse grasse.
Plus d’infos sur la nutrition, l’obésité, la chirurgie bariatrique et leur prise en charge
Dr Cyril GAUTHIER