Les conséquences en terme de perte pondérale sont abordées dans le chapitre précédent. Nous allons ici évoquer les complications possibles de la chirurgie, des conséquences nutritionnelles et du suivi indispensable.
Les complications
Comme toutes chirurgies viscérales, la chirurgie bariatrique ne fait pas exception.
L’Anneau Gastrique Ajustable (AGA)
La mortalité précoce est maintenant exceptionnelle après pose d’un AGA, ce qui en fait une technique ambulatoire (le patient pouvant sortir le soir même de l’intervention).
Les complications précoces sont également rarissimes. Signalons la perforation gastrique nécessitant le retrait immédiat de l’AGA pour risque de péritonite et la mal position de l’AGA nécessitant son retrait ou son repositionnement.
Les complications tardives sont plus fréquentes cariant de 1.7 à 16% selon les études :
- Le glissement ou slippage de l’anneau est la complication la plus fréquente (1.6 à 20%). Il s’agit d’une bascule plus ou moins complète de l’AGA. Il se manifeste par un reflux invalidant, une intolérance digestive importante, des douleurs abdominales. Une radio permet de faire le diagnostic rapide. Il faut alors desserrer ou dans certaines situations retirer l’AGA. Il est important de ne pas attendre trop longtemps devant une suspicion de slippage afin d’éviter des complications beaucoup plus graves.
- Pour comprendre : l’AGA se situe à la partie supérieure de l’estomac dans une position classique à 45° comme sur l’image qui suit
Dans certaines situations, en majorité liées à des erreurs alimentaires, l’AGA peut basculer et quitter sa position à 45° pour être quasiment à l’horizontal
- Nous pouvons également voir sur l’image précédente une dilatation de poche secondaire aux erreurs nutritionnelles non corrigées en post opératoire.
- Erosion de la paroi de l’estomac (comme le fil à couper le beurre) avec migration de l’AGA qui peut se retrouver soit enchâssé dans la paroi soit à l’intérieur de l’estomac. Le traitement consiste à retirer l’AGA.
- Enfin le boitier de l’AGA peut être source de complications : retournement, rupture ou désinsertion de tubulure, infection de boitier.
La sleeve gastrectomie (SG)
La mortalité opératoire est également exceptionnelle de 0.2%.
Les complications précoces sont :
- La sténose gastrique (rare) liée à un calibrage trop serré induisant une tolérance digestive médiocre avec un reflux invalidant et des vomissements sans erreurs alimentaires. Il est parfois possible d’effectuer une dilatation de la sténose mais certains ont dû convertir la sleeve en bypass.
- L’hémorragie de la ligne d’agrafage (3.5%) diagnostiquée rapidement nécessite souvent une reprise chirurgicale rapide sans impact pour le moyen et long terme.
- Enfin, la fistule (2%), véritable fuite au niveau de la zone d’agrafage. Cette fuite se situe dans 90% au niveau de la partie supérieure. Elle réalise un tableau de péritonite, le liquide contenu dans l’estomac fuite à l’extérieur de ce dernier (dans le péritoine) entraînant une véritable infection, avec fièvre-douleur abdominale très importante. Lorsqu’elle est précoce, la reprise chirurgicale rapide permet de la traiter sans impact sur le moyen et long terme. Lorsqu’elle est plus tardive (>10 jours), le diagnostic nécessite une imagerie (généralement un scanner) et la prise en charge doit permettre le drainage dirigé de la fuite (hors du péritoine) le temps nécessaire à la cicatrisation. Le tout se fait sous antibiothérapie.
La complication tardive la plus fréquente est le reflux gastro-oesophagien (10 à 20%)pouvant être invalidant (remontées et brûlures acides pouvant conduire à une oesophagite). D’exceptionnelles fistules tardives ont été décrites. Une autre complication, essentiellement liée au comportement alimentaire (non respect du rassasiement), est la dilatation de la poche conduisant à une reprise pondérale inéluctable.
Le bypass gastrique
La mortalité opératoire est aussi rare (0.5%). Plus fréquente qu’avec les autres techniques, cette mortalité peut être liée au terrain : opérant des patients plus compliqués (diabète, HTA, SAS, hypercholestérolémie… et patients plus âgés) il semble logique de retrouver une mortalité plus élevée. Il s’agit d’une technique un peu plus complexe et donc avec un peu plus de risque, néanmoins les chirurgiens pratiquant régulièrement le bypass sont expérimentés. Plus un chirurgien pratique une technique plus les complications et la mortalité opératoire diminue.
Les complications précoces :
- La fistule anastomotique (fuite au niveau d’une anastomose). Elle se manifeste par un tableau infectieux de type péritonite comme pour le sleeve. Le traitement diffère cependant car la pression est moins importante que dans la cas d’une fistule sur sleeve. Lors d’une fistule sur bypass, un traitement médical par antibiotiques peut suffire, la fistule se tarissant (cas de fistule gastro-jéjunale bien drainée). Il est parfois nécessaire de mettre en place une prothèse venant boucher la fistule de l’intérieur (comme une sorte de rustine).
- L’hémorragie (rare 2%) apparait très précocement et nécessite une reprise chirurgicale
Les complications tardives :
- Sténose cicatricielle se situant généralement au niveau de l’anastomose gastro-jéjunale. Responsable de vomissement et de reflux, elle nécessite des dilatations endoscopiques pour améliorer la tolérance digestive.
- L’occlusion secondaire à une hernie interne (3%) se manifeste par des douleurs digestives importantes, des vomissements. Une imagerie (scanner) participe au diagnostic qui sera confirmé lors de la reprise chirurgicale.
- Les lithiases biliaires responsables de crises de colique hépatique sont essentiellement liées à la perte de poids. Elle se manifeste par des douleurs abdominales violentes généralement à droite irradiant dans le dos. Le traitement est habituellement la cholécystectomie (chirurgie de la vésicule biliaire).
- L’ulcère anastomotique (3.5%) est un ulcère survenant généralement au niveau de l’anastomose gastro-jéjunale plutôt sur le versant intestinal. Il se manifeste par des douleurs, saignements chroniques responsables d’anémie, saignements aigus responsables de sang digéré dans les selles qui deviennent noires (méléna). Le diagnostic est confirmé par la fibroscopie gastrique. Son traitement repose sur des protecteurs gastriques (IPP) afin de diminuer l’acidité responsable de l’ulcère.
Cas particulier du bypass en oméga : les complications sont globalement les mêmes (en moindre fréquence). Signalons de rares cas (1%) de reflux biliaires dans le cas de bypass en omége. La bile sécrétée dans l’anse biliopancréatique peut de façon exceptionnelle remonter le tube digestif jusqu’à l’estomac et refluer dans ce dernier. La symptomatologie est bruyante avec un reflux alcalin très invalidant (gout de bile dans la bouche), le patient présent alors des vomissements tardifs de bile, ce reflux brule énormément obligeant le patient à prendre des protecteurs gastriques sans efficacité sur un reflux alcalin (car efficace sur les reflux acides). Il est important de diagnostiquer rapidement ce type de reflux car les patients se dénutrissent et ont une tolérance digestive vraiment mauvaise. Le diagnostic clinique est généralement complété par un fibroscopie. Le traitement est uniquement chirurgical, il est nécessaire de convertir le bypass en oméga en bypass roux en Y.
Faire un listing des complications chirurgicales permet d’informer mais il est évident que les données varient d’une équipe à une autre et qu’il est difficile de donner des chiffres précis. Une chose importante à savoir est qu’un chirurgien qui pratique beaucoup et exerce au sein d’une équipe complète aura moins de complications qu’un chirurgien isolé réalisant peu d’interventions.
Conséquences nutritionnelles
La perte pondérale est abordée dans le chapitre résultats.
Au-delà de la perte pondérale certaines conséquences de l’obésité vont évoluer. Amélioration de l’hypertension artérielle (avec 30% de rémission), amélioration de l’apnée du sommeil (avec 30% de rémission), amélioration du diabète de type 2 ( rémission de 50 à 75%), amélioration de l’hypercholestérolémie, diminution des douleurs ostéo-articulaires, amélioration de la qualité de vie… Le terme utilisé de rémission est important car il ne s’agit pas d’une guérison, si le poids repart à la hausse suite au comportement alimentaire, les conséquences de l’obésité réapparaitront rapidement. Il est important de noter que les améliorations constatées ne sont pas uniquement liées à la perte pondérale (en particulier pour les bypass) mais à des mécanismes plus complexes (modification de la flore digestive, modifications de la sécrétion d’hormones digestives comme les incrétines, modification de la néoglucogénèse intestinale…).
Les conséquences nutritionnelles sont nombreuses. Elles sont présentes dans toutes les chirurgies et ne sont pas uniquement liées au bypass contrairement aux idées reçues :
- La diminution de l’apport en protéines responsable d’une perte de masse musculaire en post opératoire qui sera préjudiciable sur le long terme. Cette diminution d’apport en protéines s’explique de plusieurs manières : apparition d’un dégoût pour les aliments contenant des protéines (en particulier viandes et laitages), difficultés digestives lors de la prise de viandes (en particulier rouges), les protéines étant satiétogènes (apparition d’un rassasiement précoce) elles sont petit à petit retirées inconsciemment de l’alimentation. Tout ceci conduit à une diminution d’apport en protéines qu’il est nécessaire de compenser d’où l’importance des collations en post-opératoire immédiat et de la surveillance nutritionnelle régulière.
- Toucher à l’estomac (toutes les chirurgies ont un impact sur l’estomac) diminue l’absorption de fer. Cette carence d’absorption est souvent majorée par une carence d’apport par diminution de la consommation de viandes rouges.
- Tout comme le fer, la vitamine B12 va être impactée directement par la dysfonction de l’estomac et être majorée par une carence d’apport (la vitamine B12 est contenue dans les protéines d’origine animale). Cette carence peut apparaître tardivement car les réserves hépatiques (foie) de vitamine B12 sont importantes et peuvent subvenir aux besoins de l’organisme pendant plusieurs mois voire années. Le suivi nutritionnel est encore une fois primordial pour dépister précocement cette éventuelle carence afin de la corriger. Une carence profonde peut entraîner neuropathies (atteintes nerveuses) mais aussi une anémie mégaloblastique (par augmentation de la taille des globules rouges).
- La carence en vitamine B1 liés aux vomissements peut également entrainer des atteintes neurologiques importantes pouvant aller jusqu’au Gayet Vernicke (encéphalopathie).
- La carence en folates (vitamine B9) est essentiellement liée à une carence d’apport (fruits et légumes).
- Les carences en vitamines liposolubles (A, E et K) sont beaucoup plus rares et se rencontrent essentiellement lors de chirurgies malabsorptives.
- La carence en vitamine D (vitamine également liposoluble) est vraisemblablement liée à une conséquence de l’obésité plus qu’à un défaut d’absorption. L’apport de vitamine D est essentiellement endogène par synthèse sous-cutanée sous l’effet des rayons solaires (UVB). La chirurgie bariatrique n’a que peu d’effet sur cette synthèse. Néanmoins une carence doit être corrigée pour éviter les conséquences ostéoarticulaires (ostéoporose) d’autant plus que les carences en calcium sont possibles.
- La carence en calcium n’est pas fréquente (essentiellement lors de techniques malabsorptives). La calcémie doit être surveillée sur le long terme afin d’éviter une fragilité osseuse avec un risque de fracture augmenté.
- Les déficits en potassium, magnésium, zinc, sélénium et cuivre sont beaucoup plus rares.
Signalons enfin que de nombreuses carences sont présentes avant l’intervention par le biais de restrictions, d’évictions de certains aliments et des multiples régimes déjà effectués. Il est donc indispensable d’effectuer un bilan complet durant la phase d’évaluation qui est primordiale afin de corriger les éventuelles carences avant l’intervention.
Les conséquences psychologiques et sociales de l’intervention
La chirurgie est souvent vécue comme la solution de dernier recours, la solution miracle ce qui se comprend étant le peu de prises en charge « sérieuses » proposées aux patients. Régimes, restriction, pilules amaigrissantes, coupes faim qui ne font que participer au yoyo ascendant et mettent le patient dans une situation d’échecs récidivants. Dans ce contexte la chirurgie a parfois un rôle de « baguette magique ». Malheureusement, malgré l’excellence de nos chirurgiens, le bistouri magique n’existe pas. Attendre trop d’une chirurgie risque d’entrainer une déception alors qu’objectivement le résultat est bon. Se donner un objectif de perte très importante (-80kg) peut être la source de déception si le poids ne baisse « que » de 60kg (qui reste un bon résultat même excellent). Il est important de comprendre que sans travail sur le comportement alimentaire, sans investissement, implication, changement (laisser la chirurgie faire seule le travail) risque de mettre en échec le patient sur le moyen ou long terme.
La dysmorphophobie. Pour comprendre ce terme il faut imaginer que nous avons tous une image de notre corps qui ne correspond pas parfaitement à l’image réelle renvoyée par le miroir. Il peut donc exister une discordance entre ces deux images, réelles et intériorisées. La chirurgie va accentuer ce décalage. Il se peut que le patient ne se rende pas compte (physiquement de la perte pondérale) avec parfois des personnes qui n’arrivent plus à se reconnaitre dans le miroir ce qui n’est pas sans conséquences psychologiques. Ce qui semble, à priori surprenant avant l’intervention, arrive très fréquemment en post-opératoire et peut durer plusieurs mois. Il est donc important de suivre le patient et de l’aider à prendre conscience de cette perte.
Stress et anxiété seront modifiés après l’intervention. Chez certaines personnes, l’obésité est un moyen de protection psychique (mettre les autres à distance). Chez cette personne la chirurgie peut être psychologiquement mal vécue sans suivi psychologique. D’autres se réfugient dans l’alimentation lors de périodes de stress. La chirurgie gène voire empêche ce mécanisme « refuge » ce qui ne sera pas sans conséquences psychologiques si aucun suivi n’est fait. Il est constaté que les patients perdant l’alimentation « anxiolytique » se détournent vers d’autres moyens tels que le tabac ou l’alcool. Une augmentation de ces 2 addictions est malheureusement constatée après chirurgie de l’obésité.
La modification des interactions sociales est complexe. Perdre du poids ne se fait pas sans difficulté dans notre société. La personne obèse est bien souvent considérée comme une personne de confiance, « l’ami de toujours », toujours présent et serviable. Cette vision, certe réductrice n’en est pas moins réelle. La perte pondérale va modifier les relations avec les autres, vont apparaitre jalousie, envie, séduction…
Il est important d’identifier autour des patients les soutiens, personnes qui comprennent la démarche qui n’est pas la solution de facilité (idées reçues) et les avis négatifs qui ne comprendront jamais la démarche des personnes opérées. Ces derniers chercherons le moindre aspect négatif pour « appuyer » sur cet élément sans se soucier de la personne.
La famille va également être impactée par la chirurgie. Il est indispensable d’intégrer le partenaire et sa famille dans la prise en charge afin de ne pas les mettre dans une situation où ils subissent.
Le comportement alimentaire va évidemment être largement modifié avec la chirurgie. Chaque type de chirurgie ayant ses modifications qui lui seront propres tout comme chaque patient est différent. Il sera donc primordial de suivre ce comportement alimentaire afin de l’adapter au mieux à la chirurgie. La chirurgie a un impact certain sur les sensations alimentaires mais ne modifie en rien, l’envie, l’alimentation refuge, la compulsion qui constituent également une part importante du comportement alimentaire plus lié à notre cerveau qu’à notre tube digestif.
Les conséquences morphologiques sont fréquentes lors d’une chirurgie de l’obésité.
La perte de poids souvent rapide durant les premiers mois est souvent responsable de « dégâts esthétiques ». En effet la peau est distendue et malgré une certaine élasticité peut apparaitre des excès de peau disgracieux en particulier au niveau abdominal (tablier abdominal), des bras (ailes de chauve souris), du menton, de l’intérieur des cuisses. Il peut être utile d’avoir recours à une chirurgie reconstructrice. Dans tous les cas cette chirurgie réparatrice ne peut être effectuée que lorsque le poids est stabilisé.
Les phanères (cheveux et ongles) sont fragilisés durant la période de perte pondérale. Les éventuelles carences en micronutriments, vitamines et surtout en protéines sont responsables d’une perte transitoire de cheveux et d’ongles cassants. Malgré la prévention vitaminiques il est fréquent d’assister à une perte des cheveux essentiellement secondaire à une carence en acides aminés (constituants des proréines).
Enfin, la répartition graisseuse va être considérablement modifiée. La perte de tissus graisseux ne se fera pas de manière identique sur l’ensemble du corps. La graisse abdominale sera la plus sensible à la perte de poids, beaucoup plus que la graisse gynoïde située au niveau des hanches. Il n’est pas rare de constater qu’une personne ayant une répartition homogène de graisse avant l’intervention obtienne un profil morphologique gynoïde après la perte pondérale.
Le suivi au long court (à vie) est indispensable afin d’optimiser la perte pondérale, de surveiller les éventuelles carences et complications, de travailler sur le comportement alimentaire. Ce suivi est théoriquement une condition indispensable pour bénéficier d’une chirurgie bariatrique. En réalité, il est trés complexe de juger de la compliance du patient avant l’intervention. La HAS et les sociétés savantes recommandent au minimum une visite à : 3 mois, 6 mois, 9 mois, 12 mois, 18 mois, 2 ans puis annuel. Malheureusement ce suivi est réellement problématique car nous constatons que malgré ces recommandations plus de la moitié des patients ont stoppé ce suivi dans les 2 ans post-opératoire. Etrangement, c’est à cette période que la reprise pondérale débute…
Le suivi au long court doit être pluridisciplinaire : chirurgien, médecin nutritionniste +/- diététicienne +/-psychologue. Chaque intervenant a sa spécificité : ne demandez pas au médecin nutritionniste de vous opérer donc ne demandez pas au chirurgien de travailler sur le comportement alimentaire (chacun sa spécialité…). Se pose également le problème des consultations avec diététicienne et/ou psychologues qui ne sont pas prises en charge.
Une chose est claire et ne peut se discuter d’un point de vue scientifique : pas de suivi dans le domaine de la nutrition = augmentation du risque de reprise pondérale et de complications !
Plus d’infos sur la nutrition, l’obésité, la chirurgie bariatrique et leur prise en charge
Dr Cyril GAUTHIER