Si communiquer à distance, se déplacer plus vite, plus loin et à moindre coût, semblent nous être profitable ; le réel bénéfice de ces formes d’avancées technologiques et sociales ne peut s’apprécier qu’au regard de leurs impacts sur la qualité de vie.
Parce qu’elle correspond à « la façon dont les individus perçoivent leur position dans la vie, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels ils vivent en relation avec leurs buts, leurs attentes, leurs normes et préoccupations », la qualité de vie apparaît avant tout comme une notion subjective et relative, dé-corrélée de toute forme de confort matériel [1], [2]. Ce confort constituerait même une source de dépendance, nous faisant comprendre en quoi les problèmes que l’on se contraint à résoudre tiennent pour une part à la volonté que l’on a de s’y confronter [3].
Et c’est ainsi que, des besoins que le progrès façonne, émergent avec persistance des maux qui marquent nos vies à la mesure que nous rentabilisons nos déplacements, enrichissons nos réseaux sociaux, développons nos pratiques de loisirs, et augmentons notre espérance de vie… La consommation grandissante d’anxiolytiques en France nous aide à le rappeler et à prendre conscience que le bienêtre ne se mesure pas à la durée de la vie [4].
Pour ces raisons, l’espérance de vie peut apparaître comme une notion confuse, que certaines instances nationales et internationales lèvent dans leur études statistiques, en déclinant par exemple le nombre « d’années de vie en bonne santé » pour Eurostat [5], ou encore une « Espérance de Vie Ajustée en fonction de l’état de Santé (EVAS) » pour l’agence de la santé publique du Canada [6].
Les résultats de ces études sont éloquents puisqu’ils montrent par exemple pour la France, une stabilisation du nombre « d’années de vie en bonne santé » depuis prêt de 10 ans (64,4 ans), malgré une augmentation de 4,7 ans de « l’espérance de vie » (de 75,3 à 79 ans). Résultats qui contrastent par ailleurs avec ceux d’autres pays européens, et qui nous font comprendre que vivre plus longtemps dans un confort matériel notoire et grandissant, ne signifie pas vivre mieux. Et c’est dans la même mesure qu’Egger et Swinburn (2010) montrent par le jeu des statistiques, qu’un accroissement du produit intérieur brut pour des pays riches, se traduit avant tout par une augmentation de la consommation globale de toutes formes d’aliments, et non par un apport substantiel de joie et de bien-être [7].
Invoquer une qualité de vie en lien avec un contexte économique et social se révèle nécessaire lorsque l’on traite de certaines maladies chroniques non-transmissibles comme l’obésité. Parce que ces « affections de longues durées qui en règle générale, évoluent lentement », ont pour terrain d’expression la santé dans sa pleine mesure ; c’est-à-dire « un état de bien-être physique mental et social complet », qui dépasse largement la simple « absence de maladie ou d’infirmité » [8]. Ces répercussions sont d’autant plus retentissantes qu’elles concernent une population de jeunes individus, pour laquelle les faibles scores moyens de qualité de vie observés tendent à refléter des discriminations sociales qui altèrent l’estime de soi et par voie de conséquence, la réussite scolaire et la productivité économique [9], [10]. Comme le présente Perdesen à l’issue d’un symposium sur les régulations physiologiques associées à l’activité physique et la santé, l’environnement relationnel joue un rôle important dans l’expansion de l’obésité [11] ; citant les travaux de Christiakis et Fowler qui montrent que la présence d’amis récemment devenus obèses, augmente de 171% les risques de le devenir soi-même [12].
Dr Cyril GAUTHIER & Dr Ludovic ROCHETTE
Plus d’infos sur la nutrition, l’obésité, la chirurgie bariatrique et leur prise en charge
[1] L’évolution du bien-être en France depuis 30 ans – Centre de recherche pour l’étude et l’observati… – CRÉDOC. .
[2] “Mesure du bien-être et définition d’objectifs à cet égard : une initiative du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe,” 07-Aug-2015. [Online]. Available: http://www.euro.who.int/fr/publications/abstracts/measurement-of-and-target-setting-for-well-being-an-initiative-by-the-who-regional-office-for-europe. [Accessed: 28-Oct-2015].
[3] L. Wittgenstein, G. H. Wright, and H. Nyman, Culture and Value. University of Chicago Press, 1984.
[4] O. Sacks, The Mind’s Eye, Reprints. Picador, 2011.
[5] EUROSTAT, “Année de vie en bonne santé (à partir de 2004).”
[6] Agence de la santé publique du Canada, “L’espérance de vie ajustée en fonction de l’état de santé (EVAS) au Canada.”
[7] G. Egger and B. Swinburn, “Planet obesity: how we’re eating ourselves and the planet to death,” Sch. Health Hum. Sci., Jan. 2010.
[8] Oraganisation Mondiale de la Santé, “Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, New York,” Actes Off. OMS, no. 2, p. 100, Jun. 1946.
[9] C. L. Keating, M. L. Moodie, and B. A. Swinburn, “The health-related quality of life of overweight and obese adolescents – a study measuring body mass index and adolescent-reported perceptions,” Int. J. Pediatr. Obes., vol. 6, no. 5–6, pp. 434–441, Oct. 2011.
[10] C. L. Keating, M. L. Moodie, J. Richardson, and B. A. Swinburn, “Utility-Based Quality of Life of Overweight and Obese Adolescents,” Value Health, vol. 14, no. 5, pp. 752–758, Jul. 2011.
[11] B. K. Pedersen, “The diseasome of physical inactivity – and the role of myokines in muscle–fat cross talk,” J. Physiol., vol. 587, no. 23, pp. 5559–5568, Dec. 2009.
[12] N. A. Christakis and J. H. Fowler, “The Spread of Obesity in a Large Social Network over 32 Years,” N. Engl. J. Med., vol. 357, no. 4, pp. 370–379, Jul. 2007.