Les mécanismes qui conduisent à la prise alimentaire ainsi qu’à son arrêt sont influencés par de nombreux éléments : envie, plaisir, impulsivité, affects (stress, angoisse, fatigue), environnement (activité professionnelle, société). Des sensations physiologiques interviennent également dans ces mécanismes qui régulent nos prises alimentaires. Ces sensations naturelles sont la faim, le rassasiement et la satiété. Nous sommes de moins en moins à l’écoute de ces sensations qui pourtant ont un rôle primordial dans notre comportement alimentaire.
La faim
Cette sensation est censée conduire à la prise alimentaire. Nous sommes de moins en moins dans notre société à manger uniquement par faim. La consommation du repas est souvent conditionnée par l’habitude et des horaires fixes. La faim n’est pas une sensation agréable, elle correspond à un besoin physiologique de manger. Elle se manifeste par des sensations centrées sur l’estomac : creux à l’estomac, crampes, « ça gargouille »… associées à une fatigue, faiblesse et irritabilité.
La faim peut influencer une prise alimentaire importante. Il n’est pas conseillé d’arriver affamé à un moment de la journée car cette faim intense risque d’augmenter la tachyphagie (prise des aliments trop rapide). Il n’est évidemment pas conseillé de manger systématiquement sans faim donc sans respect de nos sensations physiologiques.
La faim peut revenir rapidement après un repas si ce dernier a été trop rapide, pas assez volumineux, pas assez rassasiant. Si la faim revient trop vite, elle sera à l’origine de grignotages. Une erreur assez classique est de se restreindre pendant le repas (« faire attention ») qui devient alors insuffisant ce qui favorisera la réapparition de la faim rapidement et donc les prises d’aliments entre les repas.
La faim sera influencée par des mécanismes hormonaux (hormones digestives et adipocytaires) qui auront un impact sur les centres cérébraux qui contrôlent notre prise alimentaire.
Il est aussi important de distinguer la faim de l’envie de manger. L’envie n’est pas une sensation alimentaire. Il s’agit de la recherche d’un plaisir, d’un moyen pour calmer une tension.
La confusion entre les deux est fréquente. Il est donc important de travailler son comportement alimentaire pour distinguer ces deux mécanismes qui seront abordés différemment. Manger sans faim, par envie, n’est pas interdit. La satisfaire avec modération et plaisir, sans culpabilité (ce qui n’est pas toujours aisé) est recommandé, car si l’envie persiste sans être satisfaite elle risque d’aboutir insidieusement à une perte de contrôle.
La satiété
Il s’agit d’un état d’inhibition décrit simplement comme l’absence de faim en dehors des repas. Elle peut être décrite comme l’absence de besoin calorique par l’organisme. Cette période sera plus ou moins longue et sera influencée par ce qui a été ingéré lors du précédent repas : un repas trop restreint aboutira à une phase de satiété plus courte que si le repas avait été suffisant, un repas mal équilibré avec trop de sucres à index glycémique élevé (sucres rapides) sans « sucre lent » favorisera également une satiété courte.
Comme pour la faim, la satiété sera influencée par nos multiples hormones intervenant dans le contrôle de la prise alimentaire.
Le rassasiement
La sensation alimentaire, à mon sens, la plus intéressante à travailler.
Le rassasiement est le fait de ne plus avoir faim durant le repas.
Les mécanismes du rassasiement sont multiples, je pense qu’il est utile de les classer en 2 grands principes : le rassasiement « mécanique » et le rassasiement « hormonale ».
Le rassasiement « mécanique » correspond à l’information qui sera envoyée à votre cerveau indiquant que votre estomac est plein. Cette information est véhiculée par des nerfs (nef vague en particulier). Il est important de savoir s’arrêter avant une distension trop importante entrainant une sensation désagréable voire douloureuse au niveau de l’estomac. La plénitude gastrique ne doit pas être douloureuse. Il est important de repérer ce moment du repas où l’estomac est rempli et ainsi arrêter la prise alimentaire. Appendre à en laisser dans l’assiette, très loin d’être évident, apparait souvent comme un élément important à travailler pour favoriser le respect du rassasiement. En effet, nous avons tous, en majorité, reçu une éducation « finit ton assiette ». Ce profil d’éducation, très utile pendant les périodes sombres de notre histoire (en particulier la seconde guerre mondiale) n’est plus vraiment adapté à notre société de consommation où le manque est rare et non pas la nourriture.
Le rassasiement « hormonale » est secondaire à l’effet des hormones digestives qui sont sécrétées lors du passage du bol alimentaire au niveau des organes digestifs (GIP, GLP1, GLP2, CCK, peptide YY, oxyntomoduline …). Cette sensation complète le rassasiement mécanique. Elle est moins « tranchée ou brutale » que la sensation de distension gastrique. Ne pas respecter ce rassasiement risque de favoriser le retour de la faim rapidement après le repas. Nous conseillons souvent aux patients de prendre le temps de manger (20 à 30 min). Ce conseil prend en grande partie son origine dans ce rassasiement hormonale. En effet, une personne qui mange trop vite (tachyphagie) s’arrêtera de manger sans connaître ce rassasiement. Les sensations alimentaires seront alors perturbées et la faim reviendra plus rapidement car la satiété sera raccourcie. Prendre le temps de manger, ce qui commence dès la mastication, ne fait pas prendre du poids, bien au contraire.
Les sensations alimentaires sont donc des sensations physiologiques naturelles qui sont présentes pour nous aider à réguler nos prises alimentaires. Evidemment la nutrition ne se résume pas à un enchainement strict : faim rassasiement satiété. Elles sont influencées par de nombreux mécanismes : nerfs, hormones, comportement alimentaire, types de macronutriments (glucides, lipides, protéines), envie, plaisir, société, stress …
Savoir et apprendre à respecter au mieux ses sensations est un des axes primordiaux de la prise en charge des personnes souffrant de surpoids ou d’obésité.
- Débuter la prise alimentaire quand la faim est présente
- S’arrêter quand le rassasiement apparaît (surtout sans le forcer)
- Ne pas manger en présence de la satiété
Evidemment toutes ces régulations sont modifiées chez les personnes ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique. Les sensations alimentaires sont complètement différentes. Un travail spécifique est ainsi nécessaire ce qui fera l’objet d’articles spécifiques.
Dr Cyril Gauthier