
Voici une nouvelle fois, un vaste sujet avec beaucoup de thématiques différentes mais également énormément d’idées reçues. Tout évoquer est impossible, ce pourquoi je me suis concentré sur 4 sujets:
- le jeûne thérapeutique
- la mode de la micronutrition
- la dénutrition
- impact de l’alimentation sur l’apparition des cancers
Jeudi 19 novembre s’est tenue une conférence organisée par le réseau oncobourgogne
Rôles de l’activité physique et de la nutrition sur les cancers
Vous trouverez le diaporama que j’ai réalisé pour cette intervention dans l’accès patient.
Le jeûne thérapeutique est une pratique visant à réduire nos apports dans le but de faciliter l’actions des traitements anticancéreux (chimiothérapie et radiothérapie). Les théories sur le jeûne sont nombreuses (en témoigne le reportage de samedi 21/11 sur TF1 vantant les principes et les bienfaits du jeûne sur la santé…). En ce qui concerne la cancérologie, les théories scientifiques sont que la cellule cancéreuse sera plus « fragile » et donc moins résistante aux traitements. Ces mécanismes vrais en laboratoires sur des cellules (voies de signalisation IGF-1 et mTOR/Akt, AMPkinase, diminution d’espèces réactives à l’oxygène…) sont encore très loin d’être prouvés en ce qui concerne l’organisme humain. Très peu d’études cliniques méthodologiquement fiables sur le jeûne en oncologie. Plusieurs type de jeûnes sont proposés : intermittent, restriction calorique, cétogène (sans glucide). Tous sont à risque de dénutrition, de perte de masse musculaire dont le rôle n’est plus à prouver dans le pronostique en cancérologie. Donc : pas de preuves d’amélioration des traitements, pas de preuve d’amélioration de la survie, une dégradation de la qualité de vie et un risque de dénutrition. Autant donc rester prudent avec cette pratique du jeûne « thérapeutique »…
La micronutrition fait actuellement des émules et la cancérologie n’y échappe pas. Les mécanismes sont incroyablement complexes et il est difficile d’avoir des études fiables sur le sujet. Ce qui est certain est que l’utilisation de compléments alimentaires (gélules contenant du fer, magnésium, iode et autres minéraux, ou des extraits de plantes comme thé vert et gingembre, …) et de suppléments vitaminiques (gélules de vitamines A, B, C, E, …) est déconseillée dans la prévention du cancer, sauf en cas de carence médicalement démontrée. Le cas du bêta-carotène est malheureusement un bon exemple que supplémenter sans carence constatée est une grosse erreur car augmentant le risque de cancer bronchique. Evidemment, quand ces micronutriments sont contenus de manière naturelle dans notre alimentation, il n’y a aucun risque (bien au contraire).
La nutrition en cancérologie fait également face à des modes (jeûne, micronut, aliments anticancer…). Alors qu’il existe des études beaucoup plus solides sur des sujets certes, moins originaux, mais tellement plus cohérents. Si l’on s’attarde sur pourquoi l’activité physique est protectrice vis-à-vis de l’apparition du cancer et de ces récidives, voilà ce qui est prouvé : diminution des adipokines, diminution de l’insulinorésistance, baisse de IGF-1, baisse de l’inflammation chronique liée à la graisse viscérale, diminution du taux d’œstrogènes circulants. Quand nous lisons ces arguments prônant l’activité physique nous nous rendons vite compte que ce qui est mis en avant est essentiellement lié au surpoids androïde(abdominal) et donc à l’excès de masse grasse viscérale. Donc, une vraie prise en charge nutritionnelle sera très efficace voire plus pertinente qu’une simple activité physique qui reste recommandée et qui en sera complémentaire.
L’obésité est responsable d’une augmentation prouvée de l’apparition de cancers et d’une augmentation de la mortalité après diagnostic de cancer.
Les preuves scientifiques ne manquent pas et sont bien connus. Les cellules graisseuses vont créer un environnement favorable au développement de la croissance tumorale, de sa résistance aux traitements, de son caractère invasif. Les mécanismes sont très nombreux (sécrétions d’adipokines par les cellules graisseuses, sécrétion d’œstrogènes, production de cytokines pro inflammatoires, transformation des adipocytes en cellules assistantes les cellules cancéreuses, production d’acides gras libres nourrissant les cellules tumorales…)
Ainsi, agir sérieusement sur le surpoids et l’obésité semble plus que logique. Evidemment les régimes ou les jeûnes sont des erreurs provoquant dérèglement des systèmes métaboliques et perte de masse musculaire impactant directement le pronostic des patients.
La dénutrition est un élément primordial lors de la découverte du cancer. En dehors du cancer du sein (qui est particulier en ce qui concerne l’évolution pondérale) la quasi-totalité des cancers et de leurs traitements aboutissent à des pertes pondérales importantes qui auront un impact rapide sur le pronostic et sur la qualité de vie. La cachexie cancéreuse est directement responsable de 22% de décès lors d’une maladie tumorale. Donc plutôt que de nous parler de l’intérêt de prendre du sélénium ou autre micronutriment, il serait peut-être plus intéressant de prendre en compte la dénutrition comme une pathologie compliquant la survenue du cancer, de la dépister et de la prendre en charge de manière spécialisée, coordonnée et efficace. Le meilleurs critère reste l’évolution du poids car l’IMC (comme pour l’obésité) est un mauvais indice : une personne ayant un IMC de 32 mais ayant perdue 35kg ne serait pas considérée dénutrie… Combien de poids avez-vous perdu et sur combien de temps ? Cette question simple sera le meilleur marqueur de l’évolution nutritionnelle.
Enfin, existe-t-il une alimentation anti-cancer ? NON, il existe bien des recommandations sur une alimentation saine vis-à-vis du risque de cancer.
Un profil alimentaire que tout le monde connaît qui, quand on y regarde de plus près, correspond simplement à une alimentation variée, équilibrée sans excès.
Comme bien souvent en nutrition, il est nécessaire de passer par la science pour terminer sur une notion tellement simple : équilibre et bon sens.
Dr Cyril GAUTHIER