Du plus loin que je me souvienne l’alimentation a toujours été un problème pour moi, manger ,quand j’étais jeune, restait pour moi un acte obligatoire et vital, une obscure absurdité de la vie… d’ailleurs j’ai souvent sauté des repas, et j’avais l’appétit d’un moineau…au sein de mon foyer c’était pas un pb, il y en avait d’autres bien plus importants, et de plus l’apparence avait une place non négligeable… Mais en dehors c’était la croix et la bannière , « elle ne mange pas assez » « elle est trop maigre » « elle est malade? » « elle va tomber malade » « mais mange ! » « elle n’a pas de sang » »elle ne pourra jamais avoir d’enfant » ….. heureusement quelque part que je sortais rarement du contexte de notre appartement car cela était lourd à porter et me renfrognait encore plus vis à vis de la nourriture, ma colère grandissant en même temps que moi…
Puis la vie fait son chemin et je rencontre au lycée celui qui deviendra mon époux, sauf que, lui, famille soudée « à l’ancienne » où les repas durent 20 ans, où la convivialité est de mise et où tout le monde se porte « bien » (et par voie de conséquence que je me portais « mal » )… alors forcément quand j’étais calée au bout de deux petits pois cela choquait toute la tablé… petit à petit je fis « l’effort de manger » un peu plus, mais je restais à un poids correct pour moi, on me trouve trop mince quand même, mais moi ce corps m’allait je ne le haïssais pas… je tombe enceinte de ma fille là je rentre dans la « normalité » enfin dans une sorte de standard, j’ai pris…25kg mais je m’en fou à vrai dire j’ai ma fille , je l’aime je suis heureuse d’être maman , d’allaiter , le couple s’installe tout est beau tout est rose… je dirais que c’est le seul moment de ma vie où mon apparence n’a chagriné personne, où l’on m’a enfin foutu la paix, j’étais dans une zone de transition, la Suisse? bon j’ai reperdu un peu sans chercher à perdre mais sans inquiéter mon entourage… 2nde grossesse très compliquée, j’ai failli perdre mon fils, souvent hospitalisée, j’ai pris 12kg pendant cette grossesse et heureusement mon fils est arrivé en pleine santé…
Mais là les choses ont commencé à se compliquer pour moi et je suis rentrée dans une spirale de l’enfer…j’ai déclenché une maladie auto immune, dérèglement thyroïdien .. j’étais bouffée par une boule de haine intérieure, tout le temps fatiguée, à bout, dans l’incapacité de me poser, tout le temps faim… dépression, nourriture…je vidais les placards, pour autant je n’éprouvais aucun plaisir à manger , et toujours cette haine envers la nourriture, mais il fallait que je me remplisse et évidement je me suis mis à grossir grossir et là je me suis repris de nouveau le poids de la société en pleine poire… je suis montée jusqu’à quasi 136 kg… forcément j’ai quitté la Suisse au profit ….des states???(vive les clichés 😉 ) je me hais , je ne supporte plus de déplacer ce corps devenu lourd et encombrant, qui me fais mal, je n’ai plus de désir, aucun désir de rien, sauf à la limite d’en finir… Le regard de la société, les petits pics gentiment distillés, même en provenance de ma famille, « quoi tu as pas de cholestérol vu comme tu es grosse??? » rien dans la société n’est pensé pour les personnes atteintes d’obésité au contraire à croire qu’on pointe du doigt celles-ci, dès qu’on sort « du standard » d’un côté ou d’un autre paf on vous loupe pas!
J’ai fini par toucher le fond, ma santé, mon mental, partaient en vrille, j’ai eu la chance que mon endocrino Dr H m’envoie de « force » auprès de l’équipe de la clinique du C , j’ai eu la chance qu’une infirmière de cette clinique décode à quel point j’étais au bord de la rupture, c’était il y a quasi trois ans maintenant, ils m’ont fait beaucoup cheminer, ils m’ont réconcilié avec beaucoup de chose, j’aurai toujours une fragilité , la nourriture restera toujours un combat même si celui ci s’est bien adouci, et que j’arrive même à y trouver du plaisir parfois… J’ai fini par accepter de me faire opérer en ce début d’année, et là j’ai enfin retrouvé un corps qui me sied A MOI, bon je commence de nouveau à entendre des « tu vas t’arrêter là hein? parce que après c’est pas beau » ou bien l’inverse « oh tu peux encore perdre 5/6 kg et tu seras bien » mais moi j’ai juste envie de dire ZUT au poids de la société, je veux juste me sentir bien, en accord avec moi, en accord avec mon corps, j’ai réussi à résigner un pacte de non-agression entre nous deux, et cette paix intérieure si chèrement gagnée je ne veux en aucun cas la solder au poids de la société…. pourquoi ce mot me direz-vous?, je ne sais pas, parce que beaucoup d’entre vous cherche impérativement un chiffre « combien tu as perdu , en combien de temps », ce que je peux comprendre, mais avant tout chercher la paix! chercher une zone de confort, ne faites pas l’erreur de vous comparer et de rentrer dans cette logique sociétale qui nous fait tant de mal! et nous sommes tous différents alors….Et puis aussi pour remercier la clinique du C, le Dr G et son équipe tout simplement… A tous plein de courage pour ce combat