La prise en charge thérapeutique du surpoids et de l’obésité est complexe, elle nécessite une approche sur le long terme. La notion de maladie chronique n’est pas facilement acceptée que ce soit par les patients, les soignants et la société. Tous, à leur manière, sont à l’origine d’une pression importante qui « pèse » sur l’approche thérapeutique.
Illustration Marie Mainguy
« Je n’ai perdu que …»
« Vous avez repris, ça ne marche pas !»
Qu’est-ce qu’une maladie chronique ?
Selon l’OMS, les maladies chroniques sont des affections de longue durée qui en règle générale, évoluent lentement. Il s’agit simplement d’une pathologie évolutive par phases. Une des maladies chroniques les plus connues est le diabète qui sert très souvent de modèle. Contrairement à ce qui est écrit dans un article récent de l’express du 24/01 « L’obésité n’est pas une maladie, mais elle pourrait être contagieuse », l’obésité est bien considérée par l’OMS comme maladie chronique (ici). Le titre de cet article de ce journal est assez surprenant… il peut néanmoins en partie se comprendre si nous considérons qu’une transmission sociale peut définir un contage.
Cette notion de chronicité implique une évolution avec des phases d’amélioration voire de rémission, des phases de régression, de rechute. Ces différentes périodes vont s’enchaîner, elles seront à l’origine de perceptions et de jugements hâtifs ou binaires perturbant la démarche thérapeutique globale.
un poids en baisse | ça marche ! |
un poids en hausse | échec définitif … |
Quel critère de jugement ?
Le poids est toujours un juge, un marqueur de l’évolution. Tout comme la glycémie il sera le symptôme suivi par les patients et leurs thérapeutes pour juger de la bonne, ou moins bonne, évolution. Ce critère reste un élément parmi tant d’autres mais sans le recul nécessaire, il devient un véritable juge de paix et ainsi à l’origine de cette pression incroyable que connaissent les personnes souffrant d’obésité. Ils ne sont pas les seuls à subir cette pression. Les professionnels de la nutrition subissent les mêmes pressions. Dès que le poids remonte, ce sera un échec sans aucune autre remise en question et aucun négociation possible. Nous oublions dans ces situations la notion même de maladie chronique, qui évolue ; qui est prise en charge bien souvent tardivement après une phase plus ou moins silencieuse (dans le cadre de l’obésité après tous ces régimes inefficaces) et qui est donc déjà bien installée. Nous arrivons bien souvent après de nombreuses tentatives de pertes rapides, mises en place pour répondre à la pression socio-sanitaire, suivies de rebonds impactant la régulation de la balance énergétique, rendant les approches thérapeutiques globales plus lentes et difficiles.
Lors d’une prise en charge d’une personne souffrant d’un diabète de type 2, si la glycémie à jeun remonte sur un prélèvement sanguin : vous allez changer de diabétologue et arrêtez tous vos traitements ? évidemment que non ! Votre diabétologue va analyser avec vous l’évolution : regarder l’hémoglobine glyquée qui sera le reflet d’un équilibre glycémique sur les 3 derniers mois (prendre un peu de recul pour juger d’une évolution globale), chercher une cause à ce déséquilibre récent du diabète et éventuellement adapter votre thérapeutique en vous expliquant. Cette phase de réajustement sera suivie d’une réévaluation, intégrée dans un parcours thérapeutique globale avec des professionnels cohérents et coordonnés.
Alors pourquoi, dans le cadre de l’obésité, nous n’appliquons pas (patients, professionnels de santé et société) le même raisonnement. Non… si le poids remonte sur une pesée, c’est forcément que ça ne marche pas…
Cette pression des chiffres soumise aux patients ne facilite pas les approches thérapeutiques qui amorcent un travail de fond. Elle entretient l’exigence sociale d’une perte rapide.
Perdre rapidement du poids ne signifie pas sortir de la maladie chronique, en reprendre ne signifie pas que l’approche thérapeutique sera un échec sur le long terme.
Une trajectoire n’est pas définie par un point unique.
Plus d’infos sur la nutrition, l’obésité, la chirurgie bariatrique et leur prise en charge
Dr Cyril GAUTHIER