
Depuis maintenant plus de 3 ans nous réalisons des avatars 3D de nos patients. Voici un extrait d’une étude réalisée récemment et en cours de traduction sur l’intérêt de cet outil.
« Ton corps change » voilà une expression bien connue par ma génération qui était parfois à l’écoute du « doc » en soirée sur une radio avec une certaine liberté de parole, ou de sa caricature sur Nul par Ailleurs par Antoine De Caune et José Garcia.
Effectivement, lorsque nous perdons du poids, notre corps change…
Ces modifications sont parfois difficilement perceptibles surtout lorsqu’elles sont rapides. La non-perception des changements peut alors être à l’origine d’un trouble de l’image corporelle.
Je dis souvent en atelier : vous allez vous rendre compte de la perte (vêtements, mobilité, souffle …) mais sans forcément la voir dans le miroir. Bien que ce soit difficile à envisager, le schéma corporel que nous avons ne correspond pas vraiment à l’image réelle de ce corps. Cette différence peut se creuser lors de pertes rapides et importantes pouvant être à l’origine d’une dissonance entre corps réel et image intériorisée du schéma corporel.
Voici donc un extrait de l’introduction de l’article :
Entre 2006 et 2013, en France, le nombre d’interventions chirurgicales bariatriques a augmenté de 332% (12868 actes en 2006 contre 42815 en 2013). En considérant par ailleurs que la prévalence de l’obésité de grades 2 et 3 n’a augmenté que de 143% sur cette même période ; le recours à la chirurgie bariatrique est devenu, en France, une alternative thérapeutique des obésités sévères de plus en plus fréquente (Sources : Obepi 2012 ; Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation).
Sur des périodes de une à deux années, et selon le type d’intervention (respectivement «Anneau gastrique ajustable», « Sleeve gastrectomie », « By Pass gastrique ») d’importantes diminutions de l’excès de poids sont observées (respectivement « 52% » à 2 ans, « 73% » à 3 ans, « 68% » à 2 ans) (O’Brien et al., 2006; Schouten et al., 2010). Ces changements physiques peuvent être la source de difficultés d’adaptations au nouveau corps qui se traduisent par exemple, par une surestimation de la corpulence (Goldschmidt et al., 2011). La confrontation à ces difficultés préfigurerait de problématiques identitaires et de perturbations de l’image corporelle défavorables au maintien d’une perte de masse corporelle sur le long terme (Chao, 2015; Song et al., 2016).
Dans leur étude portant sur une cohorte de 260 patients candidats à une intervention chirurgicale bariatrique, Grilo et coll. (2005) ont par exemple observé par une analyse en régression multiple, que les données relatives au genre, à la manifestation de troubles du comportement alimentaire, ainsi qu’au niveau d’estime de soi, expliquaient de manière cumulée 41% de la variance du score relatant un niveau d’insatisfaction corporelle (Grilo et al., 2005). Des résultats que confirment d’autres études ciblant des patients obèses inscrits ou non dans un parcours de chirurgie bariatrique, et qui soulignent la nécessité de maintenir une attention particulière sur toutes formes d’altérations de l’image que l’on peut porter sur son corps (van Hout et al., 2005; Pearl et al., 2014; Rosenberger et al., 2006).
Selon Gardner (1996), l’image personnelle que l’on se construit est dépendante de facteurs psycho-comportementaux et perceptifs susceptibles de se dégrader (Gardner, 1996). Cela peut en conséquence se traduire par une insatisfaction corporelle au regard d’une morphologie désirée ; ou par la manifestation de troubles de l’image corporelle portant sur une altération de la perception physique que l’on a de son propre corps. Cette différenciation a impliqué l’exploitation de nombreux outils thérapeutiques permettant de développer des exercices ou protocoles sur la base d’identification de silhouette, de perception d’espace corporel, ou encore de distorsions d’images (Cárdenas-López et al., 2014; Farrell et al., 2005). Le recours aux technologies informatiques de modélisation en 3 dimensions de silhouettes humaines a notamment pu être exploité au profit de personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire et d’altération de l’image corporelle ou d’insatisfaction corporelle (Sands et al., 2004; Shafran et al., 2009; Stewart et al., 2012; Túry et al., 2010).
Contrairement aux clichés photographiques classiques à travers lesquels les patients porteront un jugement subjectif sur leur personne, la construction d’un avatar peut permettre une analyse plus détachée, plus favorable à l’appréciation objective de leur corpulence. Nous faisons alors l’hypothèse que pour des patients opérés d’une chirurgie bariatrique et exprimant des difficultés de prise de conscience d’un changement physique, un outil de modélisation 3D de silhouette corporelle leur serait profitable, en permettant une meilleure appropriation des changements corporels.
Après cette intro, passons aux choses concrètes : 140 patients ont participé à l’étude (merci à eux) sachant que nous avons créé déjà des avatars pour près de 4000 patients.
Merci également à cette patiente qui sert de « model 3D » (elle ne se reconnaîtra pas, je lui dirai lors de sa prochaine consultation)
Ce que nous avons prouvé :
L’utilisation de cet outil de modélisation permet dans un premier temps de dépister un mauvaise perception de l’image corporelle. Comment ? Les patients ont répondu à des questionnaires avec des représentations de silhouettes morphologiquement différentes et croissantes.
Ainsi près de la moitié des patients que nous suivons n’arrivent pas à se situer après une perte de poids secondaire à la chirurgie bariatrique.
Le dépistage est déjà une grande aide. Il est clairement démontré que la mauvaise perception du schéma corporel est à l’origine d’une insatisfaction corporelle elle-même source de restriction cognitive.
Mieux, au delà du dépistage, l’utilisation de cet outil dans nos conditions a permis un ajustement adapté de la perception du schéma corporel.
Ce graphique montre qu’avant l’utilisation de l’avatar, les patients perçoivent leur corps de manière différente et parfois erronée (FRS-pre). Après l’utilisation, nous avons une correction significative qui se produit (FRS-post).
Voici une partie de notre conclusion :
Cette étude met tout d’abord en évidence que près de la moitié des patients inclus dans le protocole, soit 47,86%, présentent une difficulté dans la perception de leur corpulence. Parmi ces patients, la majorité 73% se voit plus corpulents que ce qu’ils ne sont réellement Ils ne sont qu’une minorité 27% à se percevoir moins corpulents. L’exploitation d’un logiciel de modélisation d’avatar 3D a alors permis aux patients de ces 2 groupes d’apporter une correction sur la perception de leur silhouette. Ce procédé semble en conséquence s’ouvrir à d’intéressantes perspectives thérapeutiques, le positionnant comme un outil de travail et de suivi longitudinal et non pas comme un simple outil de diagnostic
Convaincus de l’intérêt, maintenant prouvé, de l’utilisation thérapeutique que nous avons faite de ces types d’outils modernes, nous allons poursuivre sur l’EMNO
Dr Cyril GAUTHIER avec la participation de Ludovic ROCHETTE (DrSc)